Prendre un train, contempler le paysage, rêvasser un peu et arriver déjà à destination. Récit d’un dimanche de février. Une journée à Cahors. Passée à écumer la ville en solo, à suivre les méandres du Lot, à grimper dans les collines environnantes… Et à jouer à saute-mouton entre les différentes époques qui composent l’Histoire de la cité cadurcienne.
Direction Cahors
Il y a une chose que je me suis promise de faire en m’installant à Toulouse après plus de douze années passées à Paris : profiter au maximum de ce que la région Occitanie a à offrir. Mais une fois sur place, il a été question très vite de contraintes horaires liées au travail, de contraintes financières aussi, et les semaines se sont mises à passer à une vitesse folle, tout comme la promesse d’un temps à soi, elle aussi emportée par ces vagues successives et incessantes qui forment le quotidien. J’imagine que vous connaissez ce phénomène, vous aussi ?
C’est en réalisant tout cela que j’ai décidé de me bouger. J’ai ouvert ma carte du Sud-Ouest, à la recherche d’une ville que je ne connaissais pas, ou mal, et si possible accessible en train. Mon choix s’est porté sur Cahors, dont je n’avais qu’un souvenir lointain, et quelques stéréotypes en tête, du type « capitale du vin rouge qui arrache ».
Un tour sur le site internet de la SNCF et me voilà munie d’un billet pour Cahors, le dimanche suivant. Un départ de bon matin, un retour en fin de journée. Le tout pour la modique somme de 2€, merci la Région !
Le pont Valentré
Un matin de février, me voilà donc arrivée à Cahors. À peine sortie du TER, à deux pas de la gare, j’ai déjà rendez-vous avec l’histoire de la cité cadurcienne : je m’engage sur le pont Valentré, un ouvrage qui enjambe le Lot depuis plus de 700 ans.
Sa particularité, autre que d’être le seul pont médiéval (au monde) ayant conservé ses 3 tours fortifiées ? C’est un pont d’architecture militaire, conçu pour optimiser la bagarre ! Avant tout ouvrage défensif, il a été pensé pour parer les attaques des assaillants. Les moyens de défense y ont donc été multipliés.
Sur ses flancs, des avants-becs, des petites terrasses de forme triangulaire, permettent de s’avancer au-dessus des piles du pont. Là, le parapet y est crénelé. Les archers pouvaient envoyer leurs flèches du côté de la rivière en passant leur arme à travers des meurtrières percées dans des merlons.
Idem pour les meurtrières situées dans les tours carrées. Encore plus haut, au sommet, des ouvertures permettaient de balancer du lourd : des grosses caillasses et des trucs brûlants ! Ça s’appelle un mâchicoulis. Je sais pas pourquoi, mais j’ai toujours adoré le son de ce drôle de mot. Enfin… C’était avant de savoir qu’il signifie littéralement « écraser le cou ».
La première pierre du pont Valentré a été posée en 1308. Le chantier a duré 70 ans. Si sa fonction initiale est militaire, il reste tout de même un projet architectural d’ampleur pour l’époque. Et comme on l’a souvent vu ici, qui dit édifice colossal, dit groupe de personnes dominantes souhaitant asseoir leur autorité. Les grands marchands et les banquiers de la ville ont usé de leur influence pour que le pont Valentré voit le jour. L’édifice est aussi le symbole de leur puissance, et du pouvoir bourgeois dans la région.
Le long des 172 mètres du pont, on compte 8 arches ogivales. L’une d’entre elles abrite l’écluse empruntée par les embarcations pour contourner la pente d’eau en contrebas de l’ouvrage. À l’opposé du pont, l’arche la plus lointaine a été rouverte pour permettre le passage des promeneurs. De ce côté-là, des cépages de Malbec plantés en pleine ville forment Le Jardin d’Ivresse. Lequel donne sur une promenade au nom langoureux, longeant le Lot : l’allée des Soupirs…
Cahors se pelotonne au creux d’un long ruban formé par le Lot et, au-dessus duquel des collines s’élèvent, encerclant la ville. Des profondeurs de l’une d’entre elles provenait l’eau potable qui approvisionnait les cadurciens… Via le pont Valentré ! En effet, le sol en calade cachait un réseau d’alimentation en eau, situé dans le tablier du pont (XIXe).
Promenade jusqu’à la Croix de Magne
En parlant de sol (et de calades), une coquille jacquaire fait son apparition au bout de mes chaussures. Le pont Valentré est en effet classé au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des chemins de Compostelle. Ici, les pèlerins traversent le Lot avant de continuer leur chemin à travers le Quercy Blanc, direction Moissac. Et c’est ce chemin, le GR65, que je m’apprête à rejoindre.
Direction la Croix de Magne, au sommet de la colline du même nom. Le passage est étroit et la pente abrupte. Mais je m’y lance d’un bon pas. Au bout de quelques dizaines de mètres à peine, le chemin offre un autre point de vue sur le pont Valentré, qui récompense les premiers efforts. Puis il s’éloigne en serpentant.
Les premières petites fleurs annoncent l’arrivée prochaine du printemps. Le ciel bleu et le soleil éclatant de cette belle journée de février me donnent l’impression d’être en vacances… Plus haut, je découvre un premier panorama sur la ville et les eaux paisibles du Lot.
Je m’arrête un peu avant la Croix de Magne, dans une prairie avec vue sur le pont Valentré. La matinée n’est pas finie que j’ai déjà faim. La marche, ça creuse ! J’ouvre mon sac et en sors mes victuailles. Un casse-croûte en plein soleil… Que demander de plus !
Puis je sirote mon café avec vue, en songeant qu’il y a quelque chose de l’ordre du plaisir transgressif à me trouver ici. À m’être échappée de Toulouse sans prévenir personne. On est dimanche, mais cette journée a un petit goût d’école buissonnière, un goût d’interdit.
La Fontaine des Chartreux
Je rebrousse chemin, et redescends le sentier. À hauteur du pont Valentré, je bifurque sur la droite pour rejoindre un monument moins connu : la Fontaine des Chartreux. Au pied de la colline de la Croix Magne, des eaux souterraines réapparaissent au grand air (ce qu’on appelle une « résurgence »), et remontent dans un bassin formé contre la paroi rocheuse.
C’est un endroit très spécial, au bord du Lot, qui recèle quelques uns des secrets de la cité. Tout d’abord, cette fontaine est un ancien lieu de culte dédié à une déesse des eaux d’origine celte, Divona. Elle a donné son nom à la Cahors antique : Divona Cadurcorum (les cadurques sont l’un des peuples « gaulois » du Sud Ouest). À la fin des années 1980, des archéologues ont plongé dans le lit souterrain de cette résurgence ; ils y ont découvert toutes sortes de pièces de monnaies gallo-romaines, lancées dans la fontaine pour appeler la protection de Divona (ce qu’on appelle des ex-voto).
Au moyen âge, un moulin à foulons (pour « fouler » les étoffes, afin que le tissus soit plus ferme), se trouvait là. Cédé au Couvent des Chartreux – d’où le nom de la fontaine – il a aujourd’hui totalement disparu. Le bâtiment qui jouxte le bassin a été construit contre ses fondations.
Une autre partie du site a été composée à partir de matériaux réemployés : le dallage du bassin, réalisé avec des pierres funéraires provenant de l’église Notre-Dame de la Daurade, détruite au début du XIXe siècle.
Non loin de là se trouve l’ancienne station de pompage de Cabazat, visible depuis le pont Valentré. Elle aussi joué un rôle majeur dans l’accès à l’eau potable des habitants de Cahors et des environs. Construite au XIXe siècle, elle constituait une véritable prouesse technologique à l’époque, utilisant la force du courant du Lot pour acheminer l’eau de la fontaine des Chartreux dans les citernes de la ville. Elle a fonctionné jusqu’au début des années 70. Son bâtiment accueille aujourd’hui un musée pédagogique de l’eau (expositions permanentes et temporaires).
Visiter le vieux Cahors
Aujourd’hui, pas besoin de carte, j’ai tout le temps de me perdre. Alors je ne me fais pas prier. Je m’enfonce dans le cœur la vieille ville, et flâne au petit bonheur la chance. On l’a vu plus haut, le Lot s’enroule autour de Cahors et contraint physiquement l’expansion urbaine de la cité. Les rues de la vieille ville se serrent dans un espace géographique limité, assujetties par le tracé de la rivière et les collines alentours.
Cahors est une sorte de conservatoire de l’architecture médiévale française. Les étroites venelles, presque aveugles, qui courent de part et d’autre de cet îlot urbain, semblent peiner à percer les amas d’habitats très resserrés.
Comme je suis gentille j’ai essayé de regrouper ici les points d’intérêt par quartier pour vous éviter le long détail de ma marche sans queue ni tête, d’Est en Ouest, du Nord au Sud.
Le quartier des Soubirous
Rue principale au Moyen-Âge
Commençons par le quartier des Soubirous (vous avez le droit de crier Soubirou-birou-hou dans votre tête). Il se situe dans le plus haut quartier de l’ancienne ville, le long du Lot, et suit un tracé qui existe depuis l’époque médiévale, appelée à l’époque « la grande rue ». Ce « boulevard médiéval » correspondait aux actuelles rues Saint-Barthélémy, Soubirous, Château du Roi, Légion d’Honneur et Nationale. Cette « grande rue » traversait les principales places de la cité, animant notamment le cœur de Cahors avec plusieurs enfilades de boutiques. Bref, c’était un axe commercial très fréquenté, comme le sont aujourd’hui les rues marchandes de nos centres villes, où les enseignes se suivent (et se ressemblent).
Le Pape de Cahors
Dans ce secteur, on trouve plusieurs édifices religieux d’importance. Tout d’abord, l’église Saint-Barthélémy, construite dans le style gothique méridional. Sa tour-clocher de forme carrée s’élève au milieu des constructions plus basses. Le pape Jean XII été baptisé à l’église Saint-Étienne des Soubirous, qui se trouvait auparavant sur cet emplacement. Le lieu semblait lui tenir à cœur, puisque c’est lui qui a été à l’initiative de sa reconstruction/rénovation (au début du XIVe siècle). Pour moi, c’est l’occasion de réviser le vocabulaire de l’architecture acquis au fil de mes pérégrinations. Sous le porche, un enfeu (niche dans laquelle on place le tombeau d’un personnage d’importance), gable (de forme triangulaire), et présentant des pinacles (les 3 éléments au sommet du triangle).
Au-dessus du porche, de jolies arcatures trilobées. Une arcature est une suite d’arcades le plus souvent murée ou « aveugles ». Le trilobe désigne la forme du trèfle à trois feuilles, typique de l’art roman. En dessous, des voussures forment ce qu’on appelle un archivolte (superposition d’arcs) d’une forme dite en arc brisé (de forme aigüe, ou pointue, au sommet). On trouve aussi un dais (un présentoir sculpté où l’on plaçait des sculptures en pied), dont le bas représente une tête de taureau, et quelques personnages sur des modillons.
Tour papale
De l’autre côté du pâté de maisons, un autre édifice en lien avec le pape, et à l’origine relié au premier : la Tour Jean XXII, qui accueille aujourd’hui un hôtel. En 1316, Jacques Duèze, évêque issu d’une famille de banquiers-marchands de Cahors, est élu pape d’Avignon. Il devient Jean XXII. Son frangin, Pierre Duèze, fait construire cette demeure familiale, le palais Duèze. C’est un ensemble de quatre bâtiments, dominé par une tour, qui en impose. Au XVe siècle, le palais, abandonné plusieurs décennies, est repris par des religieux. Il est progressivement démantelé et ses pierres servent à la réfection du pont Vieux. La tour est préservée, les ruines des bâtiments sont quant à elles divisées en plusieurs propriétés (reconstruction au XVIe), dont subsiste, notamment, une maison à pans de bois, du côté de la rue des Soubirous (voir photo au début de ce chapitre).
Les « botes »
Comme on l’a vu plus haut, la « grande rue » était un axe d’importance, dont le tracé était jalonné de boutiques, certaines sous des arcades marchandes, dont le souvenir ressurgit ça et là. Autre détail architectural datant de cette époque : les « botes », des arcs de passages entre deux bâtisses, au-dessus de ruelles étroites. Il en reste quelques unes à Cahors, comme celle-ci, rue Fouillac.
À l’angle de cette même ruelle se trouvait l’hôpital Grossia. Sur sa façade, on peut encore voir une jolie fenêtre gothique en grès de Figeac.
Mais Cahors, c’est aussi un joyeux gloubiboulga composé d’époques architecturales très différentes. En témoignent, toujours sur le même axe, ces portails en fronton, souvent accompagnés de portes richement sculptées (et de jolis heurtoirs), alors très en vogue au XVIIe siècle.
Des sous !
Nous voici arrivés place de la Libération, à la limite du quartier Cathédrale. Cette place portait autrefois le nom de place des changeurs de monnaies. La ville a en effet connu une période faste aux XIIe et XIIIe siècle, celle dite des caorsins. Qui sont-ils ? Et bien, ce sont des banquiers-usuriers, voire des prêteurs sur gages. Le change et le prêt sont alors des activités mettent la ville au premier plan du commerce international. Les banquiers prêtent des sous aux sommités, comme par exemple les évêques, qu’ils parviennent quasiment à mettre à sec. Ils obtiennent même d’eux le droit de frapper la monnaie.
Ici, on trouve encore un joli portail à fronton du XVIIe, celui de la Maison Delsel (1642), et juste à côté, une belle porte en bas de la maison natale (et bourgeoise) du poète Olivier de Magny, écrivain de cour, et (a priori) amoureux aussi transit que désespéré de la belle Louise Labé (« J’englace au feu, je brusle dedans l’eau, Je riz en pleurs et ronge mon cerveau »).
Le quartier de la Cathédrale / Chapou
La maison Hérétié
À l’angle de la rue Clément-Marot, au n°12 de la rue de la Daurade, se dresse une très belle construction en pans de bois datant de la fin du XXIIIe siècle, appelée Maison Hérétié. On peut apprécier son encorbellement, au-dessus des grandes ouvertures ménagées en rez-de-chaussée, et qui correspondent à l’emplacement des anciennes boutiques. Et la jolie porte en bas de la maison voisine.
La Daurade
La rue de la Daurade longe le parc Olivier de Magny. Encore une place dans l’axe marchand de la vieille ville. On est tout prêt des bords du Lot, mais le terme « daurade » n’a aucun rapport avec la pêche ! Comme à Toulouse, la « daurade » provient du mot occitan « daurado », signifiant « doré ». Il s’agit probablement d’une référence à la statue de la vierge dorée qui était adulée par les bénédictines du quartier. Toujours dans la même rue, la maison dite du bourreau, une bâtisse gothique remaniée plusieurs fois au fil des siècle. Je n’ai pas trop eu envie de savoir ce qui se cachait derrière ce nom funeste…
La cathédrale de Cahors
Après une pause café bien méritée aux Petits Producteurs, je me dirige vers la cathédrale Saint-Étienne tout à côté. Je l’ai croisée à plusieurs reprises sur mon parcours. L’oeil est immédiatement attiré par le dessin courbes de ses coupoles qui culminent à 32 mètres de haut ! C’est un détail architectural assez rare ici, et personnellement, je l’associe à des constructions plus « exotiques » : romaines, byzantines ou encore islamiques.
Sa façade occidentale (XIIIe) est elle aussi imposante. Massive, elle donne à la cathédrale des allures de forteresse. Comme souvent dans la région (voir mon article sur la basilique de Saint-Sernin de Toulouse), la cathédrale a été construite sur l’emplacement d’un ancien édifice religieux, probablement érigé au IIIe siècle, puis détruit, puis reconstruit au VIIIe siècle, puis tout recassé, etc.
Sur le côté, le portail nord possède un tympan sculpté du XIIe siècle, dans le style roman, représentant l’ascension du Christ, symbolisée par la mandorle qui l’entoure (le truc en forme d’amande qui vous a peut-être fait pensé à autre chose).
À l’opposé, on entre par le portail sud en passant une porte trilobée (toujours cette forme de trèfle en vogue à l’époque romane) surmontée d’une vierge. Dans un angle, sur une pierre, une petite croix tracée à la peinture. Je me suis toujours demandée si c’étaient les pèlerins qui faisaient ça ?
La nef (le corps principal) est globalement datée du XIIe et XIIIe. Du coup, elle mélange les « modes » de ces deux époques : style roman et style gothique. Quelques petites touches des décennies suivantes se retrouvent ça et là. Sans oublier les petits morceaux de XIXe et de XXIe siècles (notamment des vitraux modernes). Bref, c’est un joyeux puzzle, une superposition de périodes. L’histoire de saint Étienne, peinte sur l’une des coupoles, est datée quant à elle du XVIe siècle. Aujourd’hui, la Vierge de Rocamadour est de sortie. Cette statue en noyer (XIIe siècle), liée aux chemins de Compostelle, est également vénérée en Bretagne comme la sainte patronne des marins.
J’entre dans le cloître, où règne une atmosphère paisible. Cet édifice gothique cloître, reconstruit à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, n’a jamais été achevé.
Effectivement, pas mal d’éléments sont manquants. Je m’éternise devant deux chapiteaux, auxquels sont accrochés différents personnages. Un pèlerin portant une coquille semble s’époumoner sur un type drapé dans une sorte de toge, qui lui fait face (mais ce n’est sûrement l’explication). Plus loin, j’observe les nervures d’une voûte qui forment un joli palmier.
L’archidiaconé
À l’autre bout du pâté de maison, je tombe par hasard sur l’Hôtel dit du grand archidiacre, ou archidiaconé Saint-Jean. Un archidiaconé, késaquo ? C’est un territoire, un morceau de diocèse, sur lequel règne un vicaire épiscopal (nommé par l’évêque) : l’archidiacre. En gros, un peu comme un maire d’arrondissement, ou un député. Cette bâtisse a été construite par le grand archidiacre Gilibert de Massaut dans la première moitié du XVIe siècle (tout en conservant des vestiges du bâtiment qui se trouvait là).
L’hôtel est devenu par la suite le presbytère de la cathédrale Saint-Étienne. Il a été remanié au XIXe siècle. Visible par les visiteurs, l’une de ses ailes, en cour intérieure, a conservé un important décor sculpté de style renaissance, qui s’étale sur la façade le long d’une cage d’escaliers. Au-dessus et autour de la porte d’entrée, c’est la fête aux rinceaux et aux pilastres ! Ces ornements, chipés aux modes italiennes, représentent des bonhommes dodus (des putti), des candélabres, des oiseaux exotiques mangeant des baies (des phénix ?).
Côté rue, le bâtiment est lui aussi classé : au titre des pots de vin ! C’est là qu’on payait la redevance sur les vendanges, en nature : pressoirs et cuves accueillaient le précieux nectar. À ce titre, il est appelé « cuvier du chapitre » (le chapitre = assemblée religieuse).
Côté cour, Le Courtil des Moines fait hommage aux potagers médiévaux. Les carrés potagers sont plantés de végétaux qu’on consommait au Moyen-Âge, les potherbes. En gros, il s’agit de ce qu’on pouvait faire cuire dans des pots : chicorée, chou, moutarde, blette, cresson…
Les jardins secrets de Cahors
À Cahors, pas moins de 25 « jardins secrets » ont été aménagés dans des interstices laissés vaquants. Ils ont tous un lien avec le patrimoine médiéval de la ville. Plusieurs d’entre eux, notamment dans les quartiers Soubirous-Cathédrale, sont dédiés aux essences médicinales. C’est le cas de L’Herburalius, derrière l’hôpital Grossia, et du Jardin de la Sorcière et du Dragon, qui fait la part belles aux plantes liées à la sorcellerie.
Un peu plus loin, le Jardin Mauresque, rue du Petit-Mot (quel joli nom !), un patio aux accents méditerranéen, rappelle l’occupation des Maures dans le sud de la France au VIIIe siècle. Son agencement, l’étroit bassin et les céramiques bleues qui l’égaient sont un joli clin d’oeil aux jardins islamiques et espagnols.
Je m’éloigne des petites rues pour rejoindre les bords du Lot, et tombe sur le moulin Saint-James, qui semble abandonné. De l’autre côté de la rivière, on aperçoit l’écluse du moulin de Coty. Je me balade un peu le long du quai Champollion. Ce n’est pas désagréable d’avoir un peu d’horizon devant soi après ces heures passées le nez en l’air dans les ruelles étroites. Sur les quais se trouvent encore quelques belles bâtisses, comme l’hôtel de Roaldès ou maison dite Henri IV, puisque le roi y aurait logé selon les rumeurs…
Pendant près de 300 ans, l’hôtel a été la propriété d’une riche famille de la ville, comptant de hauts magistrats et des universitaires de renom, les Roaldès. Depuis le quai Champollion, on peut admirer sa jolie façades à colombages, surmontée d’une tour à toit pointu, et d’une tourette (ou échauguette pour épier les voisins). Plus bas, sous le toit, une galerie de bois a été aménagée (dite soleilho dans le coin).
Plus loin sur les quais, la Chapelle Saint-Jacques, dite aussi Chapelle Saint-Jacques des Pénitents bleus de Saint-Gérôme de Cahors, ainsi que l’église Saint Urcisse, transition entre l’art roman et l’art gothique.
Le quartier Badernes
Trait d’union avec le quartier de la cathédrale et la ville basse, appelée aujourd’hui quartier des Badernes, la Halle de Cahors. Sa présence est attestée depuis le XVIIe. Devenue en 1865 halle au blé, elle a été transformée en marché alimentaire dans les années 1930.
Les Badernes ne comptent pas de grandes demeures aristocratiques comme dans le reste de la ville. L’hôtel de Vayrols est l’un des seuls édifices à porter le nom d’une famille de notables. Ses fenêtres trilobées (XIIIe siècle) semblent avoir été intégrées à une construction plus récente et toute pleine de crépis.
Un quartier populaire
Ici, pas ou peu de grands monuments religieux, ni correspondant aux pouvoirs royaux ou à la justice. Les Badernes formaient un îlot plus modeste, celui des artisans, des petits commerçants, des travailleurs. Il reste aujourd’hui encore un quartier assez populaire, présentant un réseau serré de ruelles parallèles les unes aux autres, que personnellement j’ai trouvé pleines de charme.
Patrimoine populaire
En repassant devant l’hôtel de Vayrols, je me compte que la cour intérieure du bâtiment est accessible. Poussée par la curiosité, je m’avance, avant de tomber nez à nez avec un pôtit chat, qui entre deux gratouilles, me guide vers une curiosité : un vieux lavoir. En fait je me trouve au cœur de l’Îlot du Lavoir, une résidence assez neuve, qui semble intégrer à son architecture des éléments plus anciens. Difficile de dire de quand datent les lavoirs. Je trouve très émouvant qu’ils aient été conservés, témoins d’une époque plus difficile que la nôtre, où les journées étaient ponctuées par d’inévitables labeurs, dont la corvée de lessive.
Vous le savez si vous me lisez régulièrement ici, j’aime ces traces discrètes d’un patrimoine plus populaire. Celui qui est le premier à disparaître lors des grandes rénovations. Les symboles du pouvoir résistent généralement à l’épreuve du temps, alors que les lieux qui ont rythmés l’existence des plus modestes s’évanouissent presque sous nos yeux.
À l’angle des rues Lastié et Saint-Urcisse, deux belles bâtisses un peu bedonnantes se regardent l’une l’autre. Des documents attestent la présence d’aubergistes dans le quartier des Badernes. Alors je me laisse aller à imaginer que cette auberge cadurcienne existait déjà il y a longtemps. Il a dû s’en tramer dans les auberges de l’époque, des fous rires, des bagarres, des confidences devant les verres, dans les bruits de fourchettes des bateliers qui s’y restauraient après leur long voyage…
Encore une porte richement sculptée sous un portail à fronton dans ce secteur, et quelques jolis détails ça et là. Il me reste pas mal de temps avant le train du soir, aussi je décide de m’élancer vers le mont Saint-Cyr pour la seconde ascension de la journée.
Ascension du mont Saint-Cyr
Je dépasse l’ancien bâtiment de l’octroi transformé en halte jacquaire accueillant les pèlerins, et traverse le pont Louis Philippe. Ce pont est parallèle à un pont romain qui se trouvait un peu plus loin. C’est parti pour la grimpette ! Le mont Saint-Cyr domine la courbe dans laquelle s’est développée Cahors. Après quelques minutes de marche seulement, je suis obligée de m’arrêter pour contempler ce qui s’offre à moi : un magnifique panorama sur la cité. Au premier plan, le dôme en ardoise de l’église Notre-Dame-de-St-Georges. De l’autre côté du Lot, le quartier des Bardenes. Plus loin, on aperçoit les coupoles de la cathédrale.
Point de vue
Croix de Magne, mont Saint-Cyr… Les cadurciens ont bien de la chance d’avoir ces coins de nature à deux pas du centre ville, avec vue sur la vallée du Lot. Des fouilles récentes ont confirmé la présence d’un castrum (bâtiment militaire fortifié) et d’un rempart qui servaient à protéger la ville. D’ici, on dominait l’ancien pont aujourd’hui disparu. Plus tard, le site a accueilli un ermitage dédié à saint Cyr (un enfant martyr, mort en Turquie).
Cahors outdoor
Petite surprise tout en haut : je découvre Lot of Sports, une infrastructure municipale qui propose de nombreuses activités de plein air (escape game, vtt, tir à l’arc…) Je suis accueillie par une équipe super sympa, qui me présente le lieu. Et m’informe que la buvette est ouverte ! Youpi, je n’avais pas encore ma dose quotidienne de caféine ! Je déguste mon café sur la terrasse. Autour de moi, une aire de pique-nique et barbecue, un terrain de foot sur lequel s’éclatent les enfants, des chemins de rando, avec en fond le bruit du lancer de hache où s’éclate un petit groupe de jeunes femmes.
La lumière commence à décroître tout doucement, aussi j’entame la descente pour rejoindre la ville, histoire d’y faire un dernier petit tour avant de reprendre mon train. Et de m’adonner à l’une de mes passions : photographier les heurtoirs de porte !
Et puis je ne peux pas m’empêcher de faire des photos, encore et encore… Comme hypnotisée par ces détails qui surgissent à chaque coin de rue.
Patrimoine industriel
En route, je croise aussi un bâtiment industriel, qui attire mon attention : une manufacture de tabac. Ces anciens magasins du XIXe siècle attestent d’un commerce florissant. En effet, le Lot a été un des départements pionniers dans la culture du tabac en France. La plante y a été cultivée depuis le XVIIe siècle. Les séchoirs à tabac font d’ailleurs partie intégrante du patrimoine rural de la vallée du Lot. Petit édifice datant de la même époque, un ancien kiosque à journaux, aujourd’hui utilisé par l’office du tourisme, qui se trouve juste en face. Je vous recommande vivement d’aller y faire un tour. Vous y trouverez une documentation fournie, et une équipe aussi efficace que sympathique.
Les Romains de Cahors
J’achève cette journée de balade en remontant une dernière fois la courbe du temps. Sur le chemin de la gare, je marque l’arrêt devant Arc de Diane (Ier siècle), l’un des derniers vestiges visibles des thermes gallo-romains de Cahors, alimentés à l’époque par un aqueduc. Puis direction la gare, où m’attend déjà le train pour Toulouse. Il démarre, et je laisse derrière moi la cité cadurcienne, petit haricot d’habitations amoureusement collé à une rivière sinueuse, espace de jonction entre la haute et la basse vallées du Lot… Une vallée où s’enroulent des méandres, tout chargés d’histoire.
[separator type= »thin »]
infos
où dormir ?
nuitée en chambre solo, double et triple.
Chambre Solo (avec SDB), et avec petit déj à partir de 31,5€
un bar que j’ai aimé
10 rue Saint James
Retour de ping : Saint-Guilhem : une oasis en plein « Désert » • la pocheta
Je suis née dans le quartier St Georges.
Y ai grandi..beaux souvenirs. Je reviens dans le Lot chaque année..
Merci pour ce beau reportage photos qui reflète bien Cahors..
Merci pour votre retour, Anne-Marie, ça me fait chaud au coeur !
Merci pour votre article. J’ai adoré le style, les photos. Depuis ma cuisine je me suis Promenée en votre compagnie dans les rues de Cahors. J’habite à 30km de cette jolie ville. ce fut un réel plaisir matinal de suivre ce que vos yeux ont découvert. Je connais tous ces endroits mais les partager avec un autre regard fut des plus agréable. Merci à vous. Marie
Merci beaucoup Marie ! Contente d’avoir flâné en votre compagnie 😉
Très beau reportage sur Cahors,dans 1 an je vais partir en retraite 20 km plus bas,mais quid du petit diable du pont Valentin?
Bonjour, et merci pour votre commentaire, Hervé !
Effectivement, je n’ai pas parlé de la pierre sculptée à l’effigie du diablotin. Je n’ai pas pu la prendre en photo, étant partie ce jour-là avec mon téléphone en poche, et sans appareil photo.
Le diablotin a été apposé sur le pont Valentré en 1879, lors de la restauration du pont.
Les légendes implicant la construction d’un pont et l’intervention du diable sont très nombreuses en Occitanie ! Saint-Jean-de-Fos, Olargues, Céret, Montoulieu…
Il faut dire que l’acheminement des pierres étant un vrai casse-tête dans la région, et les chantiers de construction s’éternisaient sur des décennies, voire des siècles !