Luis Sepúlveda nous livre l’histoire des Mapuches, le peuple de la terre, un peuple qui lutte depuis bien longtemps pour ses droits, à travers un conte mettant en scène… un chien ! Chronique diffusée lundi 4 février 2019 dans l’émission Excusez-moi de vous interrompre sur Radio Mon Païs- 90.1.
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai envie de nature en ce moment. Du bruit cristallin de l’eau clair qui ruisselle entre les rochers couverts de mousse. Du bruissement des fougères dans le sous-bois, du claquement des ailes des oiseaux nichés dans le branchage, et qui s’envolent sur le passage de l’humain. De l’odeur de la terre, fraîche, qui emplit les narines.
Ma réalité quotidienne est tout autre : le boulot, la ville, et peu de temps disponible pour se laisser aller à la contemplation.
Le weekend, je marche avec le club de randonnée urbaine du 31 (qui compte plus de dix milles adhérents) et on avale des kilomètres de béton, avant d’avaler, aux alentours de 15:30, des nappes de gaz lacrymogènes, ces fumigènes repousses-libertés qui enveloppent les rues de la ville rose d’une épaisse brume tous les samedis.
Allez, ça fait du bien une bonne dose de chloro-benzylidène malonitrile ou d’oléorésine de Capsicum, aux choix. Autant de bien qu’une becquée de glutamates, d’huiles hydrogénées ou une bonne salade fraîcheur au glyphosate.
Alors pour rêver un peu à un monde meilleur, aujourd’hui, je vais vous parler des Mapuches, et d’un auteur, Luis Sepúlveda.
Peuple en lutte
Avec Histoire d’un chien mapuche, Luis Sepúlveda livre une fiction bien réelle, en puisant dans ses origines, dans son héritage familial, pour raconter l’histoire des Mapuches, le peuple de la terre, un peuple qui lutte depuis bien longtemps pour ses droits.
Dans ce court roman, on suit l’histoire d’un chien, captif d’une troupe d’hommes armés, lancés à la poursuite d’un indien qui se bat pour sa terre. Un chien fatigué, maltraité, mais qui essaye de déjouer les plans des hommes armés en les conduisant à plusieurs reprises sur de fausses pistes.
Un chien qui se souvient. Qui se remémore les odeurs du bois sec, du miel et du lait. Les odeurs de son enfance de chien, quand petit chiot abandonné, il a été recueilli dans un village mapuche. Un village mis à sac par les hommes armés et détruit par leurs machines de mort.
Prisonnier, affamé, battu et blessé, le chien sème les hommes dans la forêt d’Araucanie pour rejoindre le garçonnet auprès duquel il a grandi, et qui est devenu un homme, et un chef.
Lecture pour tous
Histoire d’un chien mapuche, c’est un conte pour enfants, qui pose la question de la fidélité et de la loyauté, et qui nous interroge sur nos besoins. De quoi avons-nous vraiment besoin ? Le récit met à l’honneur des hommes et des femmes qui connaissent la nature, qui la respectent et la protègent mais aussi la comprennent.
L’histoire est saupoudrée de mots magiques, car forts philosophiquement, des mots de vocabulaire mapuche, dont on trouve un glossaire en fin d’ouvrage.
Peuples des arbres
Le 14 novembre dernier, un jeune mapuche a été assassiné par des carabiniers chiliens. Car l’industrie forestière chilienne a des visées sur les territoires des communautés mapuches. Au Chili, l’exploitation forestière représente 3,5% du PIB, c’est la seconde activité économique du pays.
L’objectif actuel du gouvernement est d’augmenter les surfaces à planter pour tripler la production de pâte de cellulose. Encore un modèle économique périmé qui accentue et la crise climatique et les inégalités sociales.
Et qui éloigne un peu plus de nous le bruit cristallin de l’eau clair qui ruisselle entre les rochers couverts de mousse, le bruissement des fougères dans le sous-bois, le claquement des ailes des oiseaux nichés dans le branchage, et qui s’envolent sur le passage de l’humain et l’odeur de la terre, fraîche, qui emplit les narines.
Histoire d’un chien mapuche, de Luis Sepúlveda, paru aux éditions Métailié, et illustré avec brio par la talentueuse Joëlle Jolivet, spécialiste de la gravure sur linoléum.
Le livre coûte 7 € en poche, et 12 € en grand format.
On finit en musique avec les trois rappeurs de Witrapaiñ et leur titre en mapuche et en espagnol, Estamos de Pie.