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Des débuts difficiles
Bon, je ne vais pas tourner autour du pot pendant trois heures : au départ, je n’aimais pas trop la basilique Saint Sernin. Voilà. C’est dit. Elle est entrée dans ma vie alors que je ne lui avais rien demandé. Pour moi, elle a tout d’abord constitué une présence sonore. En m’installant à quelques rues de là, il y a cinq ans, j’ignorais que mon quotidien allait être rythmé par l’Ave Maria de Lourdes marquant les quarts d’heure, qui résonne jusqu’au Canal du Midi, et que cet air répétitif me resterait souvent en tête toute la (sainte) journée.
Je passais devant elle tous les jours, et me moquais régulièrement de l’aspect « meringue dodue » de son chevet, presque « tout much », comme si on n’avait pas su arrêter les constructeurs à temps. Du genre « Vous reprendrez bien une absidiole pour la route – Merci ».
Et puis, au fil des jours, des détails retenaient mon attention : une pierre restée mystérieusement brute, jaillissant de l’un de ses flancs, une scène pastorale au dessus d’une inscription latine, des arcades murées par endroit, des poissons gravés dans le bitume, un personnage étrange juché sur une colonne, tirant la langue aux passants… Titillée dans ma curiosité (maladive), j’avais envie d’en savoir plus. Aussi je pénétrais dans la basilique pour la première fois.
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Premiers émois
Les portes de l’église franchies, je découvrais la nef, faite de larges travées de calcaire blanc. Au-dessus de moi, baignée d’une lumière naturelle qui s’écoulait doucement des fenêtres dépourvues de vitraux, la répétition des voûtes créait une sorte de mélodie architecturale, très gracieuse. À l’angle d’un pilier, différentes formes de croix, tracées directement dans la pierre, étaient encore visibles. Ça et là, des chapiteaux élégants portaient la trace d’enduits de couleur, infimes témoignages d’un décor désormais disparu.
Et puis, passée dans le transept, mon regard suivit les contours des peintures à moitié dévorées par le temps, montant jusqu’aux tribunes. À cette hauteur s’ouvraient d’harmonieuses baies géminées, apportant un peu de clarté. En contre-bas, dans la pénombre, de vieux marbres attendaient que les visiteurs s’approchent pour les contempler. Plus loin, les grilles de fer forgé gardaient jalousement l’entrée du déambulatoire, et protégeaient le choeur de la basilique. Même si rien ne me paraissait très cohérent dans cette affluence de détails, j’étais conquise.
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Une grande originale
Pour comprendre l’histoire de la basilique, il faut imaginer ceci : prenez plusieurs boîtes de jeu de construction, mélangez-en le contenu, faites-en un joli tas, et utilisez ces pièces disparates pour bâtir une église romane.
J’exagère à peine : le sanctuaire n’a cessé d’être « réactualisé » au fil des siècles, selon les changements de goûts, de mentalité, de liturgie, d’autorité ou de budget. Des morceaux de sarcophage sculptés, datant de l’Antiquité et retravaillés au XIIème siècle, côtoient des fresques qui ont été peintes par-dessus des figurations plus anciennes. Sous le baldaquin, une colonne romaine « customisée » a été réemployée pour soutenir la voûte d’une crypte. Des chapiteaux et des bas reliefs ont été changés de place ; même l’autel du XIème siècle s’est baladé d’un coin à un autre de la basilique. C’est là toute l’originalité de Saint Sernin, et ce qui la rend unique : elle est faite de nombreux éléments, souvent remaniés qui, réunis, finissent par former un ensemble harmonieux. En cela, elle ne ressemble à aucune autre structure.
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Dans le regard des autres
La « fleur de corail » que célébrait Nougaro constitue l’un des principaux sites touristiques de la région. Étape du Chemin de Compostelle, elle en accueille les pèlerins tout au long de l’année. Mais qu’on la considère comme un monument historique à visiter absolument, ou comme lieu de culte où se recueillir, la basilique Saint Sernin est aussi un édifice ancré dans le quotidien des toulousains.
Certains d’entre eux viennent profiter du calme de sa place, peu sujette à la circulation, pendant la pause déjeuner. Les élèves des lycées Ozenne et Saint Sernin comptent, au son des cloches, les minutes qui les séparent de la récréation. Après les cours, ils viennent fumer des clopes et bavarder par petits groupes contre les grilles d’enceinte du sanctuaire. Les jours de manif, on y croise les CGTistes regagnant leur QG, l’ancienne Bourse du Travail, le seul bâtiment se distinguant de l’architecture générale du secteur.
Pour les uns synonyme de baisers échangés sur les bancs bordés d’arbres, dans un climat propice aux confidences, pour les autres, c’est un lieu de détente : les enfants viennent y apprendre à faire du patin à roulettes, les skaters s’entraînent sur son parvis … et ce malgré l’arrêté municipal interdisant ces pratiques.
Le weekend, le ramage enjoué des oiseaux nichant dans les branches est interrompu par l’agitation du marché, alors que la place se transforme en grand bazar à ciel ouvert. Vieux papiers, drouille de brocante, kilomètres de tissus en rouleaux et fringues made in china s’étalent sur les pourtours de l’église, là même où des fouilles récentes ont mis à jour les vestiges de sépultures portant plus de mille ans d’histoire.
[separator type= »thick »]Pour briller en société
Consacrée en 1096, d’une longueur totale de 115 mètres, et large de 32,5 mètres, la basilique Saint Sernin est plus grande église romane d’Europe, et classée à ce titre au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Orientée vers l’Est – symbole de la Résurrection – son architecture en forme de croix couchée évoque la crucifixion du Christ. Son clocher octogonal, qui possède un carillon à 24 cloches, culmine à 65 mètres ; c’est le plus haut de Toulouse.[separator type= »thick »]
Infos pratiques
Basilique Saint Sernin, place Saint Sernin 31000 TOULOUSE
Métro Capitole ou Jeanne d’Arc – Arrêt navette centre ville
Horaires : Du lundi au samedi 08:30-19:00 (18:00 de octobre à mai), dimanche 08:30-19:30
Visite de la crypte et du déambulatoire du lundi au samedi 10:00-18:00, dimanche 11:30-18:00 – Octobre à mai : du lundi au samedi10:00-12:00 et 14:00-17:30, dimanche 14:00-17:30 – 2,50€
Visites guidées samedi 10:00-12:00 et 15:00-17:00, dimanche 15:00-17:00 (rendez-vous sur place). Les visites vous permettent d’accéder aux tribunes. 2€ sont demandés pour entrer dans le déambulatoire et la crypte. (Plus d’infos : joel.toulouse@hotmail.fr )
Événements spéciaux : Ouverture du baldaquin une fois par an à l’occasion de la fête de Saint Saturnin, le 29 Novembre -Ouverture des châsses le weekend de la Pentecôte
Horaires des messes : du lundi au samedi : 9h00 – dimanche 9:00, 10:30 et 18:30
J’adoooore ! Je sur-adore! Ton récit m’a rappelé deux choses, deux églises chères à mes yeux : l’abbaye de St Antoine l’Abbaye, dans le village où j’ai grandit, et la cathédrale St Jean de Lyon.
St Antoine, j’y ai été guide et je connais chacune des pierres, chacune de ses histoires – même s’il y a des secrets que personne n’a percé.
St Jean, c’est parce que je passais devant tous les jours, et que je n’y suis rentrée que très tard, mais que maintenant j’ai envie d’y aller tous les jours.
Je suis une grande amoureuse des églises – bien que non croyante – et ton récit sur la basilique St Sernin me donne envie de visiter celle-ci ! Le texte est magnifiquement bien écrit, c’est un régale de te lire.
Je reviendrais!
À bientôt!
Merci beaucoup ! Ça m’encourage pour la suite !
C’est si joliment écrit sous ta plume ! Je note d’y passer…