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Descente des gorges de l’Hérault en canoë

Ragaillardies par nos excursions dans le val de Gellone, où nous sommes en vacances pour quelques jours, nous décidons d’aller voir les gorges de l’Hérault d’un peu plus près. Et pour cela, rien de tel qu’une descente en canoë ! Nous optons pour un parcours de 12 kilomètres entre Causse-sur-Celle et Saint-Guilhem-le-Désert. Un écrin de verdure, accessible uniquement par voie d’eau. Nous y découvrons des paysages peints en trois couleurs : le blanc des roches calcaires, le vert vif de la végétation, dense et préservée, et le bleu profond du ciel d’été. Un moment magique que nous ne sommes pas prêtes d’oublier !

Canoë Kayapuna !

De bon matin, nous nous rendons à l’agence de loisirs nautiques de Saint-Guilhem-le-Désert, Canoë-Kayapuna. Les moniteurs ont accepté de nous véhiculer jusqu’au point de rencontre, situé hors du village. Là-bas, les autres kayakistes amateurs nous rejoignent. Nous montons à bord de la navette qui nous conduit au barrage de Bertrand, à Causse-sur-Celle.

départ des canoës dans les gorges de l'Hérault

Après avoir détaillé notre parcours, l’équipe de moniteurs livre quelques recommandations sur le maniement des embarcations et sur le respect de l’environnement. On récupère nos canoës. Puis on patiente sagement le temps que le gros de foule s’élance.

Passion vieilles pierres

Je m’approche du vieux moulin qui se trouve tout de suite après le barrage sur l’Hérault. Car oui, j’ai un problème : où que j’aille, des vieilles pierres s’arrangent toujours pour se trouver sur mon chemin !

Le moulin de Bertrand, à Celle-sur-Causse

Les bâtisses anciennes attisent toujours ma curiosité. À quelle période ont-elles été construites ? Pourquoi ce choix de lieu ? Quelles étaient leurs fonctions ? Autant de questions auxquelles je me dois de trouver des réponses, pour mieux vous raconter mes découvertes par la suite.

Au fil de l’eau

Mais je suis raisonnable et je ne m’attarde pas trop. Le trafic étant maintenant plus fluide sur le fleuve, on met nos kayaks à l’eau. C’est parti !

gorges de l'Hérault, la descente en canoë

Nous passons sous le Pont du Moulin de Bertrand, seul point de traversée du fleuve entre Saint-Martin-de-Londres et Saint-Guilhem-le-Désert. Le site que nous allons traverser est sauvage. Entre le moulin Bertrand et la Combe du Cor, il est accessible uniquement par voie d’eau.

Pause baignade

Le soleil joue à cache-cache avec les nuages, mais il fait déjà chaud. On s’autorise un premier arrêt pour boire un café, histoire de prendre encore un peu plus de distance avec les autres kayakistes et de profiter des lieux. Et puis, l’appel de la baignade se fait ressentir depuis le départ.

gorges de l'Hérault, coquillage rouge et blanc

L’eau est douce. Sa température, parfaite, est quasiment la même que la Méditerranée à cette époque. Je trouve des petits coquillages rouges et blanc, très délicats. Mais je les laisse évidemment sur place.

Ça mouline

Devant nous, l’horizon s’ouvre sur de larges méandres. On se laisse glisser sur l’eau, en silence. Mais mon canoë décide tout seul de faire une embardée pour se rapprocher de l’autre rive… Où se trouve un moulin ! Vous voyez bien que je ne fais pas exprès !

Moulin médiéval de Figuières, à Argelliers

De fait, plusieurs moulins jalonnent les gorges de l’Hérault. Ce sont pour la plupart des moulins médiévaux utilisés pour moudre le grain, parfois pour « fouler » le tissus (en aplatissant les fibres). Celui de Figuières (à Argelliers), où je m’arrête un instant, utilisait deux paires de meules. Comme d’autres moulins du coin, il présente des fortifications, probablement ajoutées après sa construction.

Combes et tombes

En faisant des recherches pour cet article, je suis tombée sur les plans d’origine du moulin de Figuières. Deux grandes roues, posées à la verticale, encadraient sa tour. Elles permettaient d’actionner les quatre meules. Deux grandes roues verticales… En fouillant mes fichiers photos, j’ai retrouvé un cliché pris dans le musée de l’abbaye de Gellone.

Roue de moulin médiéval sur le tombeau de Bertrand de Mèze, musée de l'abbaye de Gellone, à Saint-Guilhem

On y voit un détail de la dalle funéraire de Bertrand de Mèze, un abbé de Saint-Guilhem. J’avais justement essaye de comprendre pourquoi on avait sculpté dessus un château flanqué de deux roues. La voilà, la réponse ! Il s’agissait d’un moulin fortifié !

Les PDG d’antan 

Quelques coups de pagaie plus loin, j’aperçois une sorte de tour en haut d’un causse, au-dessus d’une série de pitons dolomitiques. On dirait qu’un drapeau flotte à son sommet (mais en fait, c’est un arbre qui pousse dans la tour). Il s’agit de la tour de la Liquisse, ou du « Marrou » (le Maure).

Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur cet ancien « châtelet », si ce n’est que suite à un mariage, le domaine est entré en possession de la famille de Ginestous. Des petits seigneurs proches des Trencavel, une famille très puissante qui régnaient sur plusieurs provinces du Sud-Ouest. J’en parlerai plus en détail dans un prochain article consacré au Casteviel d’Albi.

Tour de la Liquisse ou tour de Marou, dans les gorges de l'Hérault

La tour était probablement liée d’une manière ou d’une autre au moulin de Figuières. De là-haut, on peut en effet un surveiller les environs sur plusieurs kilomètres. Notamment les barrages, les passages à gué, les bacs et surtout les moulins. Bref, un peu comme un PDG qui surveillerait toute l’infrastructure de son usine, du haut de son bureau avec coursives.

Saute-caillou

Les gorges, très évasées au départ, se resserrent maintenant. Conséquence : le courant accélère et nous embarque dans les premiers « rapides ». On pousse des petits cris de joie, comme des gamines glissant sur un toboggan. Le sourire scotché aux lèvres.

rapides et rochers dans les gorges de l'Hérault

À partir de là, chaque virage offre de nouvelles perspectives. Les rives sont maintenant bordées de beaux rochers calcaires, chauds et lisses, qui invitent à la bronzette. Ou aux joies des concours de sauts dans l’eau.

pause baignade dans les gorges de l'Hérault

On se choisit un joli spot de rochers plats face à une végétation dense et sauvage. On profite du silence, du bruissement des feuilles, du son joli de l’eau qui roule sur les cailloux.

insectes dans les gorges de l'Hérault

Quelques insectes curieux viennent nous rendre visite. On se baigne. On sèche au soleil. On laisse le temps s’étirer comme ça. Mais quel bonheur !

Le mot du jour

Le mot à retenir : ripisylve. Mais késako ? Il est formé des termes « rive » et « forêt », et désigne la flore implantée sur les rives des cours d’eau. La végétation que nous rencontrons est exubérante. Alors que la garrigue et ses terres arides ne sont pas loin, peut-être seulement à quelques dizaine de mètres, ici, on assiste à un flamboiement de verts.

Végétation ripisylve dans les gorges de l'Hérault

La végétation profite de la lumière qui se réverbère sur l’Hérault. Les racines des herbes et des arbres trempent dans les eaux du fleuve. Elles y puisent des nutriments, et filtrent certains polluants, participant ainsi à la qualité de l’eau. Les entrelacs de racines maintiennent les berges, et ces buissons sous-marins servent également de refuge aux espèces menacées par les prédateurs. Les poissons peuvent y pondre en toute tranquillité.

There’s a Hérault

On a du mal à imaginer aujourd’hui que les rives du fleuve étaient autrefois animées par toutes sortes d’activités humaines. Le pont du Diable, enchâssé dans les rochers des gorges de l’Hérault, a permis les échanges commerciaux dans la région. Grâce à lui, le commerce de la vigne, des oliveraies et des chênaies s’est développé, assurant le confort économique de la vallée.

gorges de l'Hérault, à saint-Guilhem, et pont du Diable, à Saint-Jean-de-Fos

La culture de la terre et l’élevage du bétail ont façonné les villages et les hameaux agricoles. Les forêts ont été défrichées: il fallait de l’espace pour les pâturages et les cultures. Et du combustible pour alimenter les fours des potiers. Saint-Jean-de-Fosse en comptait pas moins de 70 au XIVe siècle ! Le bois était également employé pour la construction des maisons et pour confectionner les tonneaux contenant la précieuse huile d’olive. Bref, ça trimait sévère dans les environs. Petite pensée pour ces héros de l’Hérault, dont l’histoire garde peu de traces…

Bleu, blanc, vert

Aujourd’hui, l’Hérault a retrouvé son calme. Il serpente paisiblement entre les falaises. Je laisse mon embarcation glisser, une main traînant dans l’eau, profitant de la douce caresse des vaguelettes. Qu’est-ce qu’on est bien ici ! Entre le bleu du ciel, le blanc des parois rocheuses qui tranche sur les verts vifs, intenses, de la végétation et des eaux du fleuve.

gorges de l'Hérault, à saint-Guilhem-le-désert

Je ne pense plus à rien. Je prends les sensations comme elles viennent. Le frissonnement à la surface de l’eau après le passage d’un poisson. La lumière pure qui éclaire le paysage. L’excitation de l’imprévu, quand un rapide fait son apparition. L’agitation, suivie de la décélération une fois l’obstacle franchit. Puis l’accalmie, et le canoë qui glisse lentement.

Maître renard

Une autre vague de canoës se rapproche de nous, aussi nous décidons de faire une autre pause pour les laisser passer. Nous dérivons vers de gros rochers et nous y jetons les amarres. Dès que nous accostons, la végétation qui bruissait des cris des insectes et des chants des oiseaux se tait d’un seul coup. Nous sommes des intruses dans leur environnement !

un pin, car je n'avais pas de renard

D’autres kayakistes s’arrêtent et s’installent près de nous pour pique-niquer. Ils disposent leurs victuailles sur les rochers. Sans un bruit, un petit renard approche, le museau en avant. D’un bond, il charparde un saucisson. Il s’éloigne de quelques mètres, son butin bien serré entre les mâchoires. Il regarde la famille d’un air de défiance, avant de repartir, visiblement ravi de sa prise.

De l’eau, mais pas que…

Nous naviguons ensuite jusqu’à une sorte de dôme en pierre, vestige de l’ancien barrage de Puéchabon. Un panneau nous indique que nous avons parcouru 9 kilomètres sur les 12 prévus. Quoi, déjà ?

Puéchabon, le dôme qui marque l'emplacement de l'ancien barrage est un spot de plongeon

Nous sillonnons les méandres de l’Hérault en profitant de la vue sur les superbes falaises de Puéchabon. Ici, le fleuve est moins agité. Mais sous les vallons, d’autres cours d’eau s’infiltrent, creusent les reliefs et donnent naissance à des ravines et des cavités. La grotte de Clamouse est ainsi née du travail des rivières souterraines.

Buvette flottante dans les gorges de l'Hérault

Je songe à toutes ces activités invisibles lorsque devant nous… Apparaît un bar ! Une buvette flottante, implantée un peu avant la fin du parcours. Surprises, nous manœuvrons pour la rejoindre. Un petit rafraîchissement, pourquoi pas ? Oui, mais sans alcool alors. Nous trinquons dans nos kayaks, et la scène nous paraît totalement surréaliste ! C’est un joli clap de fin pour cette descente en canoë dans les gorges de l’Hérault, qui marque elle-même la fin d’un séjour dans le val de Gellone, sans voiture, qui restera pour sûr ancré dans nos mémoires !

BILAN

Nous avons A-DO-RÉ cette descente des gorges de l’Hérault en canoë.

Elle est accessible au plus grand nombre, mais il est cependant demandé, pour des raisons de sécurité, de savoir nager sur une distance de 25 mètres et d’être capable de mettre la tête sous l’eau.

La descente de 12 km est conseillée aux personnes ayant déjà fait du canoë : plusieurs rapides jalonnent le parcours et peuvent surprendre les novices. Une autre descente, plus cool, est également proposée : elle ne compte que 4 kilomètres, parfait pour une virée en famille.

Le canoë, oui, mais en solo !

Après mes déboires en canoë bi-place avec la bloggeuse Cindy, lors de notre descente de l’Aveyron, j’ai retenu la leçon. Quand on est une buse en terme de maniement de la pagaie, on choisit une embarcation adaptée. C’est-à-dire un kayak. Une place. Une seule ! Ça évite de descendre le fleuve à reculons, ou de travers, sur plusieurs kilomètres !

J’ai tout de même « désalé » une fois, en aidant une dame qui était coincée dans les rochers. Mais ça fait partie du jeu.

Encore un grand merci à l’équipe de Canoë-Kayapuna ! Dans mon article consacré à la visite du village de Saint-Guilhem, je vous ai parlé de la gentillesse de ses habitants, les « sauta-rocs ». Eh bien ici encore, nous n’avons pas été déçues ! Ayant fait le choix d’un séjour sans voiture, il nous était difficile de nous rendre au point de rendez-vous permettant de rejoindre les gorges de l’Hérault (il se situe à plusieurs kilomètres du village). Nous avons expliqué notre problème au personnel de l’agence, qui a tout de suite trouvé une solution ! Merci, vous avez assuré !

Si vous souhaitez en savoir plus sur les moulins fortifiés de l’Hérault, je vous recommande l’article de Bruno Phalip pour le Centre d’Archéologie Médiévale du Languedoc. L’association Études Héraultaises a également publié de nombreux textes sur ce sujet, qui sont tous fort intéressants.

Préservons cet environnement exceptionnel !

Pour finir, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que les gorges de l’Hérault sont classées « Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique » et « Zone Natura 2 000 ».

La fragilité de ces paysages et de leurs écosystèmes demande le plus grand respect de notre part. Lors de notre descente en canoë, nous avons vu trop de déchets flotter dans les gorges. Nous en avons été profondément attristées. Les canoës sont fournis avec des bidons étanches qui permettent d’embarquer son pique-nique, et bien évidemment de ramener ses déchets, au retour.

Il convient donc de ne pas jeter de détritus dans la nature, de ne pas nourrir la faune locale et de ne pas faire de cairn qui dérange la population rupicole. Comportons-nous comme des hôtes, chanceux d’être invités dans ces écrins de végétation et laissons la nature aussi vierge que nous l’avons trouvée, pour que d’autres en profitent, autant que nous.

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